Raymond Cousse
Stratégie pour deux jambons

96 p. ISBN 978 293 0601 34 2. 13,77 euros.
[Première édition : Flammarion, 1978]

Mai 2018

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« La pièce se résume d’une phrase : un cochon médite sur son existence à quelques jours de l’abattage. J’aime bien les cochons. Ils ont en général le regard plus franc que les humains. Quand ils font don de leur personne, ce n’est pas pour en faire tout un plat. L’utilité du cochon n’est plus à démontrer. Celle de l’homme reste sujette à caution. »

 

Ainsi Raymond Cousse présentait-il ce « roman cochon », refusé par vingt-cinq éditeurs avant d’être publié par Flammarion en 1978, puis traduit en plusieurs langues et adapté au théâtre par son auteur l’année suivante, début d’un succès critique et mondial qui amènera Cousse devenu acteur aux quatre coins du monde (une expérience du réel qu’il relate dans L’Envers vaut l’endroit).  Stratégie pour deux jambons devint alors la pièce française la plus jouée dans le monde au début des années 1980, traduite en une douzaine de langues et dans plus de 20 pays.

 

Issu d’une famille besogneuse (« j’étais censé aller visser des boulons mais ça a foiré en cours de route »), Cousse commence à écrire à l’âge de 24 ans et achève une année plus tard son premier roman, Enfantillages, après avoir découvert le Nouveau Roman et Samuel Beckett. Encouragé par ce dernier (avec qui il entretenait une correspondance) à poursuivre son travail d’écriture, le jeune Cousse commence à écrire Stratégie pour deux jambons en 1969 : « en grandissant, à mesure que mon entendement se développait, j’ai pris conscience de ce que la boucherie a d’universel. Rien d’étonnant donc à ce que l’image de la boucherie, c’est-à-dire de la tuerie générale, soit pour moi une symbolique des sociétés humaines. L’humanité n’a trouvé à ce jour sa raison d’être quand dans le meurtre. Elle ne s’accomplira tout à fait que dans sa propre destruction. Tout le reste n’est que baratin destiné à maquiller le crime ». Cousse devint l’acteur principal de ses propres pièces par hasard mais n’avait aucun appétit « pour ces cabotinages. Quand on voit ce qui se passe un peu partout et que l’on mesure sa propre pourriture interne, le bon sens commande non d’aller s’exhiber sur de vieilles planches vermoulues mais de se terrer au mieux en attendant que cela se passe ». 

 

Outre son œuvre de romancier et de dramaturge (et d’éditeur, car il fut le premier en France à redécouvrir et rééditer Emmanuel Bove), Raymond Cousse commis également quelques pamphlets bien sentis, dont le fameux À bas la critique, publié (et de suite cloué au pilori) en 1983, où il s’en prenait avec une juste férocité à l’intelligentsia littéraire parisienne. Un an plus tard, interrogé sur ses projets d’avenir alors qu’une adaptation théâtrale d’Enfantillages allait être créé au Festival d’Avignon et que Stratégie pour deux jambons tournait dans le monde entier, Cousse répondit : « Je vais continuer à me battre contre moi-même pour ne pas être trop nul humainement et artistiquement. Ma nullité métaphysique est hélas définitivement acquise. Elle n’est pas beaucoup pire que celle de mes semblables mais ça ne me console ni pour eux ni pour moi. […] J’ai cent raisons de ne pas me suicider, mais aucune de survivre ». Raymond Cousse mit néanmoins un terme à son existence terrestre le 22 décembre 1991, quelques mois après la sortie de son ultime livre.

 

Raymond Cousse (1942-1991) était écrivain, dramaturge et homme de théâtre. Il est également l’auteur de diverses pièces de théâtre (Enfantillages, La Terrine du chef…), d’À bas la critique (Cent pages, 2013 [1983]) et de L‘envers vaut l’endroit et autres textes (Le Dilettante, 1998)

A propos de Stratégie pour deux jambons :
« Extraordinaire », Télérama
« Un humour savamment féroce », Télé 7 Jours
« Un texte qui va très loin », France Culture
« Tout est à prendre dans ce cochon », Libération
« La violence et la justesse de l’“être cochon” fascinent et terrifient », Le Monde
« Un hallucinant monologue », Le Nouvel Observateur
« Une parabole métaphysique aussi bien que politique. On grogne de contentement », Le Figaro
« Stupéfiant d’intelligence critique », L’Humanité