Matthew Henson
Journal d’un explorateur noir au pôle Nord
176 p. ISBN 9782930601458. 18 €
Traduction et préface de Kamel Boukir
19 mars 2021
Le 6 avril 1909, l’explorateur blanc Robert Peary conduit une expédition qui, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, atteint le pôle Nord. Dès son retour, il suscite la polémique avec Frederick Cook, un autre explorateur qui affirmait lui aussi avoir atteint le pôle. La controverse sera tranchée par le Congrès des États-Unis, qui fit officiellement de Peary le premier vainqueur du pôle Nord. Mais l’histoire est tout autre : ni Cook ni Peary ne furent les premiers à fouler le sommet de la terre. Matthew Henson, né en 1866 dans le Maryland et fils d’esclaves affranchis, après avoir passé plusieurs années à Baltimore, une ville « noire » à la jonction de l’Underground Railroad et des expéditions maritimes, fut l’accompagnateur de Peary lors des sept voyages dans l’Arctique de ce dernier. Après moult débats, il fut finalement établi que Matthew Henson fut bel et bien le premier homme à atteindre le pôle Nord.
Mais il faudra attendre 1988 pour que cette reconnaissance soit officielle, et l’année 2000 pour qu’il soit récipiendaire de la médaille Hubbard, décernée à titre posthume – une récompense remise par la National Geographic Society pour des distinctions dans les domaines de l’exploration, de la découverte et de la recherche. Pourquoi cette reconnaissance tardive ? Pourquoi, pendant si longtemps, Peary reçut seul tous les honneurs, alors que la présence de Henson fut occultée (quand il est cité, il est réduit à n’être qu’un « servant ») ? Pourquoi Peary, à son retour du pôle, fut nommé à des postes prestigieux, alors qu’Henson devint gardien de parking ? La réponse tient à la « ligne de couleur » : Henson était noir de peau, et que les préjugés racistes de l’époque rendaient impossible la possibilité de penser qu’Afro-Américain ait pu vaincre le froid polaire.
Journal d’un explorateur noir au pôle Nord de Matthew Henson est le récit autobiographique de son expédition en compagnie de Peary et des quatre Inuits qui les accompagnèrent au pôle. Se dessine dans ce récit, au-delà de l’exploration polaire et de la relation avec les Inuits, les contours de l’impossibilité d’une amitié interraciale à l’aube du XXe siècle. Le récit de Henson est précédé d’une longue préface (illustrée) de Kamel Boukir, anthropologue et traducteur de l’ouvrage, où cette exploration, la relation entre Peary et Henson ainsi que le contexte anthropologique de l’époque, sont mis en avant afin de contextualiser les relations interraciales complexes dans un pays alors dominé par les lois ségrégationnistes. Ce livre se veut rendre hommage à un homme de couleur trop longtemps négligé en raison de préjugés racistes qui perdurent encore aujourd’hui.